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<font size=4><b>La position de Free face à Hadopi est-elle tenable ?</b></font>
<b>Les textes derrière lesquels s'abrite le FAI semblent le protéger de toutes représailles immédiates de la part du gouvernement. Une opération intéressante pour réaffirmer les valeurs de la marque. Mais encore une fois, Hadopi s'enferre dans un imbroglio juridique.</b>
A ma gauche, Hadopi, habituée des combats marathon gagnés aux points. A ma droite, Free, FAI challenger doté d'un sacré punch, et passé maître dans l'art de l'esquive. Le match est arbitré par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand. Ce dernier a déjà adressé un avertissement à Free pour anti-jeu : le FAI refuse de relayer les mails d'Hadopi, et le ministère le menace de sanctions. Mais, visiblement, il manque de munitions. Combien de temps Free pourra-t-il tenir ?
Le FAI a ses partisans : le député UMP Alain Suguenot, le président du mouvement Debout la République, Nicolas Dupont-Aignan, et le PS qui promet même d'abroger la loi Hadopi si la gauche revient au pouvoir. Tous appuient les justifications du refus de Free, liées aux garanties de protection des données personnelles, jugées insuffisantes par l'opérateur.
Du côté de ses détracteurs, Numericable qui regrette que Free fasse "sa publicité" sur "le dos des internautes", mais qui pour cela publie un communiqué - ce que n'a pas fait Free - en jouant le bon élève.
<b>Pourquoi Free refuse d'envoyer les mails alors qu'il a communiqué les identités correspondant aux adresses IP ?</b>
Le FAI de Xavier Niel, qui n'a jamais caché son opposition à la loi Hadopi, dit attendre qu'une convention encadrant les modalités de transmission des données personnelles (identité, mail d'avertissement...) des abonnés soit signée avec Hadopi et le ministère de la Culture. Sans réponse depuis sa demande l'été dernier, il a préféré transmettre sous une forme papier et avec remise en mains propres les identités correspondant aux adresses IP demandées par Hadopi. C'est dans le même esprit qu'il refuse de transmettre les mails d'avertissement, sans garanties sur le cryptage de ces mails, par exemple. Une porte-parole de Free précise que de telles conventions ont déjà été signées par le passé, notamment dans le cas d'écoutes judiciaires.
L'opérateur s'appuie sur un décret du 5 mars 2010 pour justifier sa position. Ce décret précise que le traitement des données à caractère personnel d'Hadopi est interconnecté avec les traitements mis en oeuvre par les opérateurs télécoms, "selon des modalités définies par une convention conclue avec les opérateurs et les prestataires concernés ou, à défaut, par un arrêté conjoint du ministre chargé de la culture et du ministre chargé des communications électroniques." A l'heure actuelle, aucun calendrier n'est connu pour la signature de telles conventions. Un flou qui autorise pour le moment toutes les attitudes. Certains opérateurs auraient par exemple transmis certaines informations... par fax.
Free se retranche donc derrière les textes officiels, affirmant ne pas être "dans un esprit de polémique". Pour ce qui est de son obligation de transmettre les identités correspondant adresses IP des abonnés, il a respecté ses obligations légales, sous peine de sanctions explicites. "Nous, on respecte la loi, mais il faut qu'elle soit respectée par tout le monde", affirme-t-on chez le FAI, qui s'étonne que les autres opérateurs aient pris leur rôle de passeurs de mails aussi à la légère. D'où le terme de "collaboration" qu'il a employé, et qu'il maintient. "Les opérateurs ne sont pas obligés de le faire", soutient-il.
<b>Pourquoi Hadopi n'envoie pas ses mails elle-même ?</b>
La loi indique que "la commission de protection des droits peut envoyer à l'abonné, sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l'intermédiaire de la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l'abonné, une recommandation (...)". Dans tous les cas, Hadopi est l'expéditeur du mail et les FAI ne sont qu'une plateforme de routage.
Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple que la Haute Autorité envoie elle-même ses mails ? Ou qu'elle cherche un autre routeur afin d'être sûre que les internautes reçoivent bien le mail ? Contactée, une porte-parole d'Hadopi n'était pas en mesure d'apporter de réponse.
<b>Quelles sanctions possibles contre Free ?</b>
Selon le ministère de la Culture, "Un fournisseur d'accès qui ne se conforme pas à ses obligations légales devra donc en supporter les conséquences judiciaires et financières. Un décret précisera incessamment les sanctions prévues dans ce cadre". Ces sanctions ne sont donc pas prévues pour le moment.
<b>Quel risque pour les internautes ?</b>
Si Hadopi a déclaré que Free faisait courir un risque à ses abonnés, c'est que le mail d'avertissement est tout de même considéré comme envoyé et fait donc courir le délai de six mois entre l'étape 1 et l'étape 2 de la riposte graduée. Les abonnés Free auront donc peut-être la surprise de recevoir une lettre recommandée sans avoir reçu de mail au préalable.
Qu'ils en soient conscients ou pas, la plupart des commentaires d'abonnés accueillent positivement la décision de Free. "Je suis fier d'être un freenaute", écrit ainsi un internaute sur lexpansion.com. On peut même penser que cette prise de position renforce le côté communautaire et militant de l'opérateur, auquel son coeur de cible reste attaché. Mais monter les opérateurs les uns contre les autres et faire d'Hadopi un enjeu de séduction des internautes n'était pas le but recherché par loi, qui échoue toujours à favoriser le développement de l'offre légale.
Par Raphaële Karayan - publié le 07/10/2010 à 18:49
Article Original sur l'Expansion: http://www.lexpansion.com/high-tech/la- ... 40382.html